Ce dispositif permet d’assurer un haut niveau de confidentialité et de protection contre les intrusions. Selon les renseignements criminels, il intéresse les trafiquants de drogue en quête constante de nouvelles technologies.


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Publié le 22/11/2025 06:00

Temps de lecture : 5min

Image d'illustration de téléphone portable protégé par un logiciel. (DYLAN NIEUWLAND / ANP MAG / VIA AFP)

Image d’illustration de téléphone portable protégé par un logiciel. (DYLAN NIEUWLAND / ANP MAG / VIA AFP)

Les autorités alertent samedi 22 novembre, dans une note confidentielle des renseignements criminels que franceinfo a pu consulter, sur un nouveau système d’exploitation de téléphone destiné à assurer un haut niveau de confidentialité et de protection contre les intrusions.

Ce système d’exploitation, installé sur des téléphones portables, est utilisé par des groupes criminels liés au narcotrafic pour dissimuler des activités réalisés avec leurs téléphones portables et pour empêcher leur exploitation par les services d’enquête. Il permet notamment d’effacer les données du téléphone, lorsqu’il est utilisé par un tiers. 

Nommé Graphene OS, ce système d’exploitation est accessible en source ouverte et gratuit. Il est conçu pour fonctionner exclusivement sur les téléphones de la gamme Google Pixel qui offre un haut niveau de sécurité, selon cette note qui précise qu’initialement, il est présenté comme étant destiné à protéger les citoyens contre des intrusions sur leur téléphone mobile, notamment pour les journalistes, chercheurs ou activistes.

Toujours selon cette note, le système Graphene OS s’est progressivement diffusé auprès d’utilisateurs désirant avant tout échapper à toute forme de collecte ou d’analyse de données de leurs supports par les autorités, y compris dans un cadre judiciaire. À ce titre, il suscite l’intérêt de profils de type « survivaliste », mais également d’individus liés à des activités criminelles, analyse la note.

Le système Graphene OS permet notamment l’effacement automatique des données du téléphone en cas de manipulation par un tiers (notamment lors du branchement sur un ordinateur), d’installer des applications piégées qui provoquent l’effacement des données en cas d’activation (en reproduisant par exemple un fausse icône du mode avion ou d’une application comme Telegram ou Snapchat), souligne le document des renseignements criminels. 

« Suite aux dossiers Sky ECC et EncroChat, qui étaient des systèmes de téléphones chiffrés aux mains des plus grandes organisations criminelles dans le monde, il y a eu un phénomène de repli des criminels vers d’autres solutions », explique à franceinfo Johanna Brousse, cheffe de la section cyber du parquet de Paris.

« Ce système Google Pixel, couplé à Graphene OS, a commencé a émergé dans différentes procédures. »

Johanna Brousse

à franceinfo

« Le travail a été initié il y a un moment avec Europol, les différents services d’enquête et la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure] qui est chargée notamment de hacker les téléphones », explique Johanna Brousse.

Certains de ces téléphones Google Pixel peuvent être achetés préconfigurés avec Graphene OS via des boutiques spécialisées en ligne sur le darknet et internet, voire sur des sites de revente grand public, comme Le Bon Coin, précise la note. Certaines annonces indiquent que le téléphone permet d’éviter la récupération des données par les forces de l’ordre, a constaté franceinfo. 

Pourtant, aucun système n’est pas inviolable, prévient la magistrate Johanna Brousse. « Soit on saisit le téléphone en perquisition, et là il va falloir réussir à casser le code pour pouvoir pénétrer le téléphone », déclare-t-elle. « Mais ce qui est recherché aujourd’hui par les forces de l’ordre, c’est de pouvoir faire une captation : hacker le téléphone en amont, quand le narcotrafiquant l’a encore entre les mains, pour pouvoir tout ce qu’il se passe sur son téléphone et pouvoir déjouer des livraisons de produits stupéfiants, éventuellement des assassinats, tous leurs plans », explique la magistrate. « C’est ça la véritable stratégie de riposte judiciaire », insiste-t-elle. Les autorités judiciaires tentent désormais de recenser le nombre de téléphones avec cette configuration utilisés par les trafiquants de drogue, selon la magistrate.

Contacté par franceinfo, Graphene OS assure que « la grande majorité de ses utilisateurs ne sont pas des criminels, mais des personnes soucieuses de protéger leur vie privée et de se prémunir contre la surveillance de masse ». Graphene OS pointe les « pouvoirs autoritaires » en France « qui cherchent à nuire à un projet open source très apprécié ». « Il est ridicule de prétendre que nous sommes responsables d’avoir permis à des criminels présumés d’agir parce que notre système est très sécurisé », assure Graphene OS. « Nous sommes une organisation à but non lucratif », se défend-elle.

« Nous ne vendons pas de téléphones et nous ne sommes pas responsables si des personnes utilisent notre base, y ajoutent des fonctionnalités douteuses et la vendent à un groupe de personnes. »

« Si vous suivez cette logique, vous devriez également blâmer des entreprises comme Google, car elles développent le projet open source Android (AOSP) sur lequel sont basées toutes les versions d’Android et tous les téléphones, et elles produisent des Pixels. Apple fabrique également des téléphones sécurisés qui sont utilisés par des criminels, mais personne n’en parle non plus. C’est vraiment une position absurde. Pendant ce temps, la France soutient le contrôle des chats », concluent les créateurs du système d’exploitation.